A Corps

"Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivront nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses"
Dans ces vers d'Alcools, Guillaume Apollinaire en vrai poète noue l'amour au cosmos quand tout se lève et croît dans le même élan. L'étreinte brève des vivants aux minuscules battements de cœur s'accorde aux grandes sphères qui par l'universelle attraction se meuvent dans l'infini des espaces.
Ainsi, par la même attraction, deux corps aimantés l'un vers l'autre s'enchantent en cette musique lente des gestes appliqués à mûrir l'étincelle brève où l'étreinte se consume et abolit le temps. Même si le corps ne ment pas, souvent les amants en des "désordres vains" miment l'absolu de l'amour qu'ils convient au banquet du jardin des délices.
À ces jeux trop charnels, d'un exil intime l'âme s'éplore "Un soir, j'ai assis la beauté sur mes genoux et je l'ai trouvée amère" écrit encore Rimbaud. De ces jeux du hasard, moins hasardeux qu'autrefois, une nouvelle vie peut surgir. Conscience qui, plus tard, s'étonnera de contempler cloués au ciel, ces petits signes gigantesques dont tout être est issu.
Par son regard posé sur l'expression des corps, Arielle, dans son pudique "À corps", thème de l'exposition, suggère en peintre par ses papiers déchirés, les cérémonies du couple reliées aux vastes mouvements du mystère du vivant, jusqu'à les faire scintiller au profond des étoiles.

Henri Guérin avril 2002